Invisibles

Des regards nous questionnent dans l'espace public / En chantier / 2017

Dans l’espace public, douze regards en gros plans sont installés sur des écrans usuellement utilisés pour la publicité. Chaque regard est monté en boucle sur un écran. Ces regards questionnent notre propre regard.

 

INVISIBLE / Work in progress / Cendrine Robelin 2017 from Cendrine ROBELIN on Vimeo.

PROPOS

Le regard de l’autre, questionne, perturbe, bouleverse. Dans la rue, nous détournons notre vision de certains regards, nous mettons en place des stratégies d’évitement au quotidien, de peur d’être mis en danger dans notre espace vital. Que fuyons-nous ? Après quoi courrons-nous pour éviter le regard de l’Autre ?
Il est temps de regarder droit dans les yeux, de faire face dans un cadre sécurisant.
Sur des écrans détournés de leurs usages usuels, des yeux en gros plans nous regardent et interrogent notre regard à l’autre. Ces regards sont ceux d’ hommes, de femmes, d’enfants. Ce sont les regards de personnes marginalisées dans notre société ; des sans-abris, des migrants, des gens du voyage, des mineurs isolés, des punks à chiens artistes…. Ces usagers de l’espace public se cotoient tout en occupant chacun l’espace à sa manière. Chaque regard est unique, une expérience singulière et bouleversante.

La vie est marquée par des épreuves difficiles qu’il faut surmonter d’une façon ou d’une autre pour survivre. Dans le cas des personnes en marge de la société, la rudesse de la vie marque spécialement le visage. Certains regards portent aussi une lumière spécifique, peut-être les traces d’une résilience, une force qui a l’air de dire, ne t’en fais pas, nous sommes tous fait d’ombre et de lumière, tu vas t’en sortir. Dans ces regards là, il y’a des fragments du monde entier. Le regard de l’Autre devient un précieux enseignement sur la vie.

Réunis dans le cadre d’Invisible, ces regards convoquent l’idée de Vivre ensemble, de partager un espace commun, sans hierarchisation et préjugés préalables. Ces regards nous regardent, ils interrogent notre regard dans l’espace public. Nous n’en sortons pas indemne.

 

Annexe. Histoire d’un Invisible 2012

Georg vivait dans la rue, depuis trop longtemps.
Comme à son habitude dans le métro parisien, il se dressait là, sur le quai et hurlait :

 Oh, quoi, tu me vois pas, tu m’entends pas ?
Regardes-moi, je suis plus rien, et là, je te regarde, et toi, tu m’évites. Je suis plus rien, tu m’entends hurler là ?

Il criait, criait et personne ne répondait à sa détresse, pas un sourire en perspective. Les yeux de Georg étaient creusés, encerclés d’un poil hirsute. Le regard plongé dans ses yeux, on pouvait imaginer un homme perdu dans ses ombres et tout au fond, Il y avait un éclat de lumière, là, prêt à s’exprimer au premier être à l’écoute. Peu de gens ont l’occasion de faire face au regard de Georg. La plupart l’évitent, se dérobent, pretextent n’importe quel excuse pour ne pas faire face. Georg renvoie chacun à sa propre précarité, à la peur de devenir un exclu, un invisible parmi tant d’autres. Pourtant, en imaginant cet homme là comme un Soi possible, que se passerait-il ? Peut-être pourrait-on se regarder droit dans les yeux, prêt à surmonter nos peurs, à déchirer le voile entre nous, pour découvrir qu’au fond un rien nous sépare. Nous sommes humains, faits d’ombres et de lumières. Dès lors, il vaut mieux faire oeuvre de sympathie et avancer vers la paix.